Page:Londres - Terre d'ébène, 1929.djvu/104

Cette page a été validée par deux contributeurs.
102
TERRE D’ÉBÈNE

ruines. C’est le silence le plus éloquent d’Afrique. J’allais chez Yacouba. Ici nul besoin de lever de nez pour voir ce qui se passe, tout est à la hauteur des yeux. Ainsi, dans une ruelle où j’étais perdu, j’aperçus un écriteau au-dessus d’une porte. Trouvait-on des logements à louer à Tombouctou ? Je lus : « Ici habita René Caillié en 1828. » C’était là ! Le premier blanc qui soit allé à Tombouctou et qui en soit revenu ! Le faux Arabe, le Français qui se maquilla pendant cinq ans et que le scorbut, sans doute pour aider à son déguisement, défigura ! René Caillié ! Juste cent ans. Le malheureux ! La gloire coûte cher.

— Yacouba ? demandai-je à un enfant nègre.

L’enfant nègre me prit la main et me conduisit devant une case.

Le trou de la porte béait dans la façade blanche. Courbé, je descendis deux marches. La petite taverne où je me trouvais était si sombre que je n’y voyais plus. Mes lunettes noires enlevées, j’aperçus une forme qui semblait humaine, puis deux autres. C’étaient trois femmes assises sur la terre battue. L’une était noire, les deux autres métis.

M. Yacouba ? fis-je.

Il n’était pas chez lui. Je sortis et m’adossai contre le four à pain commun à tout le quartier. Dans le silence de la ruelle, j’attendis. Un homme arriva de l’est, un très étrange Européen. Il portait