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PÊCHEURS DE PERLES

lorsque, vaincu, on baisse les paupières, on a l’impression que le feu qui brûle vos yeux se met à flamber comme flambe le bois dans une cheminée dès que l’on rabat le tablier.

Le principal habitant européen de Djeddah est au cimetière. C’est un Français ; son nom est Hubert. Il fut assassiné alors qu’il voulait pénétrer dans la ville, en l’an 1888. Depuis, l’esprit des libres Arabes n’a fait que des progrès relatifs. Voilà six ans, le Kafer, l’incroyant, c’est-à-dire nous tous des sauvages contrées d’Europe, ne pouvait quitter les cent mètres carrés du quartier diplomatique, maintenant, à ses risques et périls, il pousse jusqu’aux limites de l’enceinte ; s’il les dépasse, il doit avoir son testament dans sa poche.

Les incroyants, au grand complet sont vingt-sept : ministres, consuls et deux ou trois personnages lunaires. Sans doute, Djeddah est-il le dernier poste d’aventure pour ces messieurs de la carrière. Quand le soleil criminel s’est enfin couché, on les voit marcher furieusement d’un bout à l’autre de leur balcon, et leur allure est celle de tigres de jardins zoologiques ; ce sont toutefois des tigres chaussés, leurs pas résonnant loin dans le silence obligatoire. On pourrait également les prendre pour des relégués de la Guyane. Le bateau qui les a amenés est reparti, et ils n’ont pas le droit de faire un pas en dehors des murs.