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PÊCHEURS DE PERLES

Le nègre, d’une habileté qui lui vaudrait grande renommée chez un marchand de coquillages, ne s’y reprenait jamais à deux fois : le premier coup était le bon. De la pointe du couteau il tâtait le ventre du mollusque, puis rapidement décollait la chair, la retournait, tâtait le dos. Rien. Il passait à une autre. Rien. Rien. Rien. C’était émouvant. Le nakuda disait : « Ce n’est pas comme dans le golfe Persique. » Rien à la quinzième. Rien à la trentième. Le temps ne me paraissait pas long. J’étais au pied du temple des richesses et l’on ouvrait devant moi une par une, les mille portes qui y conduisaient. Rien.

À la cinquante-deuxième huître une perle roula. Oublierai-je ce moment ? Je ne sentais plus ni la chaleur épouvantable ni la soif. La chevelure de la fortune passait sur mon visage. Vous décrire la physionomie des autres témoins ? J’étais trop occupé par mon propre émerveillement.

Le nakuda prit la lou-lou. Elle était terne, marquée comme d’une cicatrice.

Qu’importait ! C’était ma première perle. Et je criai : Ya-Mal !

Le nakuda me regarda avec pitié. Elle ne valait rien !