de l’équipage se masse dans le bout : c’est barira, le lever de l’ancre.
Ces hommes sont nus, sauf autour des reins. Douze nègres : dix Soudanais, deux Somalis, le reste est arabe. L’aveugle (il y en a donc partout ?), l’aveugle est assis près de nous, à la proue et lui aussi fredonne : Ya-Mal ! Ya-Mal !
— Taouaf ! Soulevez !
Aussitôt les vingt hommes, remplaçant le cabestan, empoignent la corde de l’ancre. Premier mouvement, premier cri : c’est un chant qui commence, un chant de galère. Il est à deux voix, un homme fait le soliste, la masse répond. La cadence est impérieuse, la vigueur des voix sans défaillance. Un fouet invisible, claquant au-dessus d’eux, battrait-il la mesure ?
Voici le chant :
Le soliste : Lui ! (Lui, c’est Dieu.)
En partant ils l’invoquent. Que pourraient-ils si Dieu n’était pas de la partie ?
Le chœur : Lui ! Allons !
Le soliste : Lui ! Dieu ! Lui ! Dieu ! Toujours Lui !
Le chœur : Toujours ! Toujours !
Le soliste : Grâce à toi, mon Dieu, nous partons. L’ancre déchire la chair de la mer.
Le chœur : Grâce à toi ! Grâce à toi !