Page:Londres - Les Comitadjis ou Le terrorisme dans les Balkans, 1932.djvu/78

Cette page a été validée par deux contributeurs.
79
LES COMITADJIS

Sur-le-champ il commanda du thé et, se tournant vers moi : « La Macédoine, en 1903… »

— Adieu, monsieur, lui dis-je, et je me levai.

Il me demanda si je ne voulais pas être accompagné.

— Pourquoi ?

— C’est mieux, en sortant de chez moi.

J’acceptai avec empressement. Depuis quelques jours j’avais envie, moi aussi, d’un estafier. Quand j’appris qu’il me prêterait le sien, j’en eus comme un éblouissement ; je n’aurais su, bien sûr, en choisir un meilleur !

Je descendis l’escalier ; l’inconnu me suivait.

Dans la rue il me laissa prendre cinq pas d’avance, et nous allâmes. Je marchais lentement, pour faire durer le plaisir. D’un trottoir je passais sur l’autre ; puis je m’arrêtais ; puis j’allongeais le pas. Quel dressage ! Il était là, toujours, à égale distance. Je m’assis sur un banc, il se figea debout, à bonne portée. J’entrai à la librairie : du dehors, le nez à la vitre, il me surveillait. Enfin on atteignit l’hôtel. J’en franchis la porte et me retournai. Immobile sur le trottoir, il attendait que j’eusse disparu dans l’ascenseur. Je ne pus retenir mon élan et, à travers le carreau, je lui envoyai un baiser.

Le hasard seul vint à mon secours. Il se présenta