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LE CHEMIN DE BUENOS-AIRES

Nous quittâmes la Madelon au septième Vittel-menthe.

Il était cinq heures, les collègues devaient être là. On alla chez Batifol.

Ils étaient là, debout, comme si le cafetier les payait pour qu’ils ne s’assoient pas. Ils se promenaient des billards au comptoir. Ils allaient quelquefois sur le pas de la porte ; ils rentraient vite. Je les entendais parler de « pesos ».

— Deux mille pesos ! Cinq mille pesos ! disaient-ils.

C’était la monnaie de l’Argentine.

— Dis donc Jacquot, fit l’un des hommes debout, j’ai un mot à te dire. Quand on a des relations comme celles que tu as, il faut prévenir. Je te connais. Mais soigne mieux tes fréquentations.

— Qui ? René ? Il a été régulier avec toi. Tu laisses tomber la môme. Il le sait. Il t’en touche un mot. Il te l’achète cent thunes.

— Je ne discute pas le prix. Pour un morceau pareil c’était bien payer.

— Qu’est-ce que tu discutes ?

— Il me « taquine ». Il va dire que la môme valait cinq cents thunes, que je ne savais pas l’habiller, qu’il allait la préparer pour Buenos-Aires.

— Tu la lui as vendue. Elle est à lui. Tu n’as plus rien à y voir.