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LE CHEMIN DE BUENOS-AIRES

De même que les orangers en fleurs embaument la route jusqu’à deux ou trois kilomètres du verger, les femmes qui se prostituent là chargent l’atmosphère de compassion.

Une usine d’automobiles lançant sa réclame disait :

« C’est la première voiture faite en série. »

Notre usine à nous est une usine à baisers. C’est l’un des endroits du monde où, dans ce genre, l’on travaille régulièrement, mathématiquement, en série.

Les bateaux sont à l’ancre. Ce sont les petits courriers. Les paquebots dorment à côté, dans les bassins de Buenos-Aires. Cargos baladeurs chargeant peaux, laine, cornes et des bœufs que non seulement on a coupés en deux, mais que l’on a fait geler, pour être plus sûr qu’ils ne s’échapperont pas au cours du voyage ! Vapeurs remontant le fleuve, le remontant si haut, qu’ils vont jusqu’à une ville appelée Ascension ! Vieux petits cargotins sortant de la passe de Magellan. Derniers voiliers, prisons flottantes, où la misère des hommes est grande et qui reviennent de chercher le vent par le travers du cap Horn et les froids de la Terre de feu. Tous les traîne-patins de la mer, tous les déshérités de la navigation, tous les « clochards » des Océans ! Tous les fiévreux du grand large.

C’est le royaume des Polaks.