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LE CHEMIN DE BUENOS-AIRES

Je rangeai la voiture. J’oubliai Pilsudski, la révolution, mon devoir. Je partis à pied, mal à l’aise, violemment intéressé.

Ils étaient plus saisissants que les Juifs de Jérusalem, et ce que je dis là est une sérieuse comparaison ! J’allais : à ma vue ils se réfugiaient dans des couloirs mystérieux, tout en tournant la tête pour m’épier. Levais-je les yeux, les fenêtres du premier étage se vidaient. On m’eût reçu avec de l’eau, à pleins seaux, mais on m’en eût refusé un verre, s’ils avaient eu de l’eau !

Je n’avais encore vu cela qu’en pays sauvage.

Ce campement était un immense tapis de fumier, et les silhouettes imprécises de ces Juifs semblaient s’élever de cette litière, comme des vapeurs qui auraient pris une forme vaguement humaine. On sentait que le dénuement s’était installé là, à perpétuité.

Derrière les carreaux, des femmes cousaient, lisaient. Les vieilles rabattaient le rideau, les jeunes aussi, mais avec moins de précipitation. On avait le temps de voir que quelques-unes étaient jolies.

On en avait froid à l’âme.

C’est dans ce village et dans ceux qui lui ressemblent que les caftanes polonais : les Polaks, vont en remonte.