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LE CHEMIN DE BUENOS-AIRES

n’était pas si dur que ça, après tout. À Marseille, je me sentais malheureuse ; ici, je croyais être condamnée, je ne savais à quoi, mais à quelque chose. Cela ne venait que de moi et non de lui. Il était de plus en plus gentil. J’allais sur le port, voir les bateaux qui repartaient. Pourtant c’était l’été, à Buenos-Aires. On dit que cela fait la même chose à toutes. J’étais prête à refuser ce qu’il me proposerait.

— C’est ce qu’ils appellent « être à rebours ».

— Tu les connais donc ?

— Que te disait-il ?

— Qu’il cherchait une bonne occasion pour moi. Un soir il est venu et il m’a dit : Je crois que j’ai changé d’avis à ton sujet. C’est dans ton intérêt. Tu es une délicate. Moi, mes affaires sont à Santa-Fé. À Santa-Fé, il n’y a rien pour toi que du vulgaire. Je t’ai étudiée, je t’ai appréciée. Je ne pense pas qu’à moi. Il faut que tu sois libre. Tu es une femme à faire plutôt son choix. C’est l’appartement qui te convient.

Je l’écoutais, mais un peu comme si j’avais été morte. Alors il m’appela « la princesse », mais pas méchamment. Il n’avait pas d’appartement, il me dit qu’un de ses amis en avait un, et que je ferais beaucoup mieux dans cet appartement, qu’une petite femme qui l’occupait et qui n’y était pas à sa place. Cette petite femme conviendrait très bien,