Page:Londres - Le chemin de Buenos-Aires, 1927.djvu/114

Cette page a été validée par deux contributeurs.
116
LE CHEMIN DE BUENOS-AIRES

tenais où l’on vendait les billets. J’espérais, sans savoir, que quelqu’un me dirait : je vous ramène à Paris. On ne me l’a pas dit. J’ai écrit à mon père, il ne m’a pas répondu.

C’est une vieille femme qui me couchait momentanément pour rien qui m’a dit : Je vais vous présenter quelqu’un. Quand on n’a même pas de manteau et que l’hiver arrive, tu sais…

— Que répondrais-tu aux gens qui te diraient : Il fallait travailler ?

— Je n’étais pas un homme. Les hommes qui sont comme j’étais peuvent aller au port. On n’y prend pas les femmes. L’équivalent, pour la femme, c’est le trottoir. Moi je ne savais pas faire. Je n’ai jamais pu apprendre. J’étais sur le trottoir parce que je n’avais pas de chambre le jour et c’était tout. Une fois j’ai cherché à travailler dans un magasin de fleurs où l’on demandait quelqu’un. C’était affiché sur la glace. Ils ont dit : Laissez votre adresse, nous irons aux renseignements. Les renseignements étaient tout trouvés ! Je n’avais pas d’adresse. Avant cela ils m’avaient regardée et j’avais senti que je n’étais pas assez bien mise. Si j’avais eu une amie j’aurais emprunté son manteau. Ils m’auraient peut-être employée.

— C’est ce « quelqu’un » qui t’a amenée ici ?

— Il a été très gentil…