Page:Londres - Le chemin de Buenos-Aires, 1927.djvu/113

Cette page a été validée par deux contributeurs.
115
LE CHEMIN DE BUENOS-AIRES

Un changement plus profond dominait le souvenir que j’avais conservé de la jeune égarée. Qu’avait-elle de nouveau ? Je restai, un moment, sans pouvoir le nommer. Bientôt je vis ce que c’était : elle paraissait ne plus avoir faim.

La surprise s’étant éteinte :

— Peut-être es-tu sur les bateaux ? dit-elle.

— Moune, à Buenos-Aires ?

— Tu es le premier ami que je revois, et c’est un vrai plaisir. J’allais passage Guilmès, au café de l’entresol. Viens, on sera bien.

— Tu parais contente, maintenant, lui disais-je tout en marchant.

— Oh ! je ne suis pas heureuse, mais je ne suis plus malheureuse. Je m’étais rendue malade, tu sais, à ne plus manger.

Je connaissais cet entresol. J’allais y voir, de temps en temps, mes petites compatriotes.

— Tu dois avoir une grande histoire à me raconter, lui dis-je, une fois que nous fûmes attablés.

— Ah ! tu la sais bien ! Je dois dire que j’ai eu de la chance. Si personne ne s’était occupé de moi, je serais morte maintenant, ça n’allait pas ! J’en étais devenue toute bête. Pas d’amis, pas de métier, qu’est-ce que tu veux faire ? Je n’avais plus rien pour prendre le train et retourner à Paris. Pendant quatre jours je suis allée à la gare, je me