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le juif errant est arrivé

ma poche. Ils revinrent le long du train. Mais leur regard était rempli d’indignation.

Pendant une demi-heure je fus l’objet d’interminables chuchotements. Ils m’examinaient à la dérobée, passant devant et derrière moi et repassant. Leur curiosité à mon égard était intense et jaillissait de leurs yeux. Ils demeuraient stupéfaits. Quelle sorte de bipède pouvais-je être ? Qu’allait-il encore leur arriver de mal ? Ils s’interrogèrent. Dans les villages de l’intérieur du Japon, je n’avais pas été regardé par des yeux aussi méfiants.

Enfin, ils montèrent dans le tortillard. J’y montai aussi. Ils étaient dix-neuf, regagnant Mukacevo. Ils se tassèrent dans deux compartiments. J’entrai dans un troisième, séparé de l’un des leurs par une plaque de tôle ajourée.

Le train partit.

Il n’y avait plus maintenant dans ce pays que notre train et la neige. Les steppes étaient blanches jusque là-bas, très loin, jusqu’aux montagnes, et les montagnes étaient blanches jusqu’au ciel. Soudain, j’entendis comme une mélopée emplir le compartiment voisin, une phrase grave et chantante. Je collai mon front contre la tôle ajourée. L’un des cyprès pensants était planté dans un coin