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le juif errant est arrivé

les habits du four à désinfecter pour les mettre sur son dos. J’acquis mon premier veston ; il était vert ; mon premier chapeau ; il était gris. Et comme mon pantalon était un peu jaune, je ne représentais pas un Européen très élégant. Se couper les papillotes, c’est quelque chose comme commettre un sacrilège. Pourtant ! Une glace de Nalewki me dit que je ne pouvais plus promener une tête de Juif sur un costume de Polonais. Les deux grandes larmes de cheveux qui tombaient de mes tempes démentaient chapeau et veston, cette première assimilation ! C’est un marchand de la rue Pauska qui me les coupa. Et comme Pauska veut dire gentilshommes, il ne manqua pas de me faire remarquer que je n’aurais pu choisir meilleure rue pour entrer définitivement dans le monde.

Et je me trouvai devant la vie.

Ma conscience a-t-elle protesté de voir que je n’étais plus en règle avec la loi hébraïque ? En prêtant bien l’oreille, je crus, en effet, l’entendre me parler durement. « Mon garçon, me dis-je, ne l’écoute pas ; jusqu’à présent, tu as fait du luxe, tu as appris à vivre dans un pays qui n’existe pas. Tu sais te conduire par rapport à Moïse, mais quels rapports le monde a-t-il maintenant avec Moïse ? »