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le juif errant est arrivé

suyait, de l’intérieur, la vitre de sa fenêtre. Un Juif poussait une voiture remplie de peaux de mouton. Et je vis des maisons de bois coiffées de chaume. Voilà où me conduisaient six années de folles études. Mon corps en frissonna dans son caftan. Rabbin ? Guide d’Israël ? Et où donc ? Ici ? Pour trente, quarante ans, jusqu’à ma mort ? Je me sentis si nebbich, si pauvre homme que, tout en marchant vers ma future bergerie, je disais : Non ! Non ! Non !

La première nuit, dans ma Chata (isba) décida de moi. En rêve, je vis le monde. Puisque je n’avais pas de patrie, ne pouvais-je en choisir une ? Les grandes bornes de notre espérance dansèrent devant mes yeux : Londres, Paris, New-York, Berlin ! Quitter le caftan, couper mes papillotes, m’assimiler, moi aussi ? Ma mémoire avait été si bellement entraînée dans cette Mesybtha que j’apprendrais tout en une seule journée, et le français, et l’anglais, et l’espagnol, et les manières de chacun des peuples, et comment me tenir dans un veston. Je bouillais, et l’esprit religieux s’échappait de moi.

Je passai une semaine à Podosk. Et sans prévenir, attiré par l’inconnu, je repris le train pour Varsovie. Que je vous raconte : je me rendis au marché du bout de Zoliborska, là où l’on retire