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le juif errant est arrivé

— Le peuple juif est comme les autres peuples. Il a ses satisfaits et ses malheureux. Et les satisfaits ne s’occupent pas des malheureux. Ce qui le distingue, c’est d’avoir été écartelé. Toute nation a son image. Vous n’avez qu’à regarder les pièces de monnaie. Elles sont frappées tantôt à l’empreinte d’un coq, d’une tête de femme, d’un faisceau, d’un aigle, d’un roi. L’image du peuple juif devrait être cubiste : les bras d’un côté, la tête de l’autre, les jambes dans un coin et le tronc absent ! Les Juifs d’Amérique et d’Europe occidentale représentent la tête. Les sept millions sis en Russie, en Pologne, en Roumanie sont le tronc. Ceux qui, comme moi, se sont mis en marche vers je ne sais quoi, sont les jambes.

— Et les bras ?

— Ce sont tous les misérables qui vous les ont tendus. La tête, elle, a changé de corps. C’est la plus magnifique réussite chirurgicale que je connaisse. La tête nous a quittés, un jour, emportée par deux ailes, et, s’étant multipliée dans son voyage, s’est allée poser sur les épaules de l’Angleterre, de la France, de l’Allemagne, de l’Amérique. Depuis, nourrie de sang étranger, elle nous a complètement oubliés. Quand de cruelles convulsions agitent le tronc, elle n’entend même pas