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à courre dévalait l’escalier. Avant que l’on eût atteint le troisième étage, deux femmes, secouant chacune un bébé juif au bout des bras, barrant le palier, poussaient à notre adresse d’effroyables lamentations. Effrayés, les enfants mêlaient leurs cris aux cris des mères.

— Elles disent, traduisit le cocher, que les bébés vous supplient de ne pas prendre leur berceau.

— Ne voulez-vous pas secouer ces enfants de cette sorte, furies !

Elles gagnèrent leur cause. On ne s’arrêta pas chez elles.

En face, un vieillard nous attendait. Ses fils avaient sûrement fait partie de la chasse à courre et promenaient à cette heure leur âme anxieuse dans Nalewki. Ce père portait l’une de ces têtes de ghetto, pures, belles, loin de notre époque, la tête que Michel-Ange fit à Moïse, mais vieillie dans l’attente des prophéties. Son regard, dégagé de toute préoccupation humaine, accompagnait de sa candeur le regard du fiscal fouillant les pièces. La saisie n’ayant pas payé, nous allions sortir, quand le modèle de Michel-Ange tendit la main.