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le juif errant est arrivé

de cheval, nous avons rencontré M. Salomon R… Un vieillard était assis près du poêle. C’était lui. Au son du français, il se leva et nous dit :

— Je vous salue, messieurs !

Salomon R… était rasé et tristement vêtu. La misère et la philosophie accompagnaient dignement sa personne. Il nous dit que notre rencontre dans ce pays si peu fréquenté le rendait heureux parce qu’il avait longtemps habité la France. Zadoc Kahn fut un ami de son père, lequel était grand rabbin de Francfort. Lui, avait vécu à Paris comme un vrai Français, puis longtemps à Vienne. Il finissait ses jours incertains à Cernauti, la communauté juive, en souvenir du passé des siens, ayant bien voulu le secourir. Il répéta :

— Je vous salue bien ; puis-je ainsi remercier la France de sa légendaire hospitalité ! Une longue vie, messieurs : soixante-treize ans ; mais ni Français, ni Allemand, ni Roumain, toujours Juif !

— Peut-être pourriez-vous alors aller en Palestine ?

— Messieurs, j’ai mis soixante-treize ans à charmer les Européens ; à d’autres de charmer les Arabes !