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le juif errant est arrivé

On feuilleta un vieux Talmud. J’achetai même le Zohar, le livre de la splendeur. Le libraire reconnut alors que nous étions des cabbalistes. Il en était un. Dieu demandait à être aimé dans la joie, dans l’extase, à travers le vin, les danses, les chants et non dans l’ascétisme. Nous lui certifiâmes que c’était bien notre opinion. Ensemble, nous daubâmes sur le Gaon de Vilna, qui jeta l’anathème sur un si beau livre, et je poussai Ben du coude. Il lâcha la formule.

Le libraire branla la tête, éventant sa poitrine de sa barbe. Il répondit que l’affaire des Juifs n’était pas l’affaire des hommes. On pouvait évidemment aller en Palestine, mais aucun signe ne l’avait encore ordonné. Le rassemblement d’Israël n’avait pas sonné. Il resterait à Cernauti. Le pain blanc du sabbat n’y était pas trop difficile à gagner. Quant aux persécutions morales, l’esprit d’un Juif devait en connaître suffisamment le goût pour ne pas s’en étonner.

Nous sortîmes.

Judas Fried était horloger. On le voyait, du trottoir, la tête penchée sur l’établi et taquinant le ressort d’une montre de dame. Il faisait encore, ce jour-là, vingt-six sous zéro. L’attrait d’un intérieur nous fit pousser la porte de Juda Fried.