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le juif errant est arrivé

— Il dit qu’un bon Juif n’est pas forcé de vendre, mais qu’il doit s’arrêter le vendredi à la première étoile, et ne jamais offenser Dieu.

Ah ! saintes Marmaroches !

Nous arrivions à Ganitch. Salomon et Ben m’assurèrent qu’il fallait rendre visite au notaire. Au notaire ? L’ambiance manquait pour goûter l’humour. Ils me montrèrent une plaque sur la seule maison qui ressemblât à une maison. Un notaire dans les Marmaroches ? La vue d’un pêcheur guettant le frémissement de son bouchon dans un tonneau de harengs saurs eût touché mon esprit d’un moindre étonnement.

L’homme qui nous reçut avait belle allure. Il portait papillotes et barbe, mais papillotes discrètes et barbe disciplinée. Il était habillé de noir, mais comme un homme et non comme un gueux. Visage pâle, mais corps solide. Il était bien le seul homme de ces montagnes dont le coffre n’eût pas sonné creux. Notaire ? Oui et non. Il l’avait été à Bratislava. Puis, un jour, il avait traversé les Marmaroches. Son cœur de juif s’était fendu. Il n’était certes pas assez riche pour désensorceler ce pays de sa misère, mais il se consacrerait à la rendre moins farouche. Depuis, il habitait là. Il recevait les aumônes des comités américains et les