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le juif errant est arrivé

Les mères entr’ouvraient leurs châles pour exhiber leurs mamelles sans lait et leurs côtes sans chair. Le Juif de celle-ci avait tenté deux fois de descendre dans les villes pour gagner du pain, deux fois il était tombé sur la route, épuisé. Il était muet de désespoir. L’odeur dans ces baraques était é-pou-van-ta-ble. Je n’y pouvais demeurer que mordant mon mouchoir à pleines dents. Et l’on dit riche comme Rothschild !

Depuis dix ans, la misère, ici, a décuplé. Avant les derniers traités de paix, ces Juifs allaient chaque été travailler trois mois dans la fameuse plaine hongroise. La frontière a séparé la plaine de la montagne. Les Hongrois refusent le passeport à leurs anciens sujets devenus sujets tchécoslovaques. Trois mois de gains suffisaient à ces Juifs pour vivre le reste de l’année. Toute l’année, maintenant, est suspendue aux maigres fruits des arbres des Carpathes !

La terre ? La terre est mauvaise et appartient aux Ruthéniens. Ils la possèdent de moitié avec la neige (six mois eux, six mois la neige). Le Juif n’a que sa barbe, ses papillotes, quelques chars de bois à convoyer et le rabbin.

Voulez-vous connaître le pouvoir du rabbin ? Ben me conduit au bout du village. Une cabane