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le juif errant est arrivé

content de t’avoir rencontré. Tu as une belle tête, l’intelligence vit dans tes yeux, enfin, c’est toi ! Viens, je te donnerai des chaussettes !

On l’embarqua. Nous filions maintenant, tous quatre, dans les Marmaroches. On inventoria ses besaces. L’une des poches était son magasin, l’autre son garde-manger. Dans la première, une vingtaine de crayons, trois douzaines de chandelles, deux paires de ciseaux, un calendrier et du tabac de mégots. Dans la seconde, dix oignons, deux harengs frigorifiés, un morceau de pain blanc plié dans du papier (le pain du sabbat), un petit tas de prunes sauvages.

Il avait quitté sa cabane depuis neuf jours, allant de villages juifs en villages juifs. Il nous dit s’être mis en route sur un faux renseignement, croyant que des aumônes d’Amérique étaient arrivées dans la région. D’abord, il en aurait eu sa part, ensuite, il eût liquidé son bazar. Il continuait tout de même. N’était-il pas un bon juif ? Quelle faute lui reprocher contre l’Éternel ? Ses prières ne montaient-elles pas chaque jour jusqu’à son trône ? Le Seigneur pouvait-il ne pas avoir l’œil sur lui ?

Il était né à Cluj, en Transylvanie. Les pogromes de 1927 l’en avaient chassé. Battu par les étudiants roumains, sa maison brûlée, la Thora