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LA CHINE EN FOLIE

la tête dans les oreillers, à sangloter comme une veuve. Je dus fuir notre maison d’Irkousk, chaque objet me parlant trop de mon soldat. J’étais toute petite. Seize ans ! et c’était la première fois que l’amour m’habitait. Je partis pour Krasnoyarsk. Pavlik fut blessé sur le Niémen. Il m’aimait. D’ambulances en ambulances il chercha à gagner Krasnoyarsk. Il mourut en route. Je n’ai plus revu ses jolis yeux. Sa tombe, je crois, est à Moscou.

— Petite, tu as froid, prends le manteau.

— Garde ! moi, je suis Sibérienne. Alors je partis pour les mines d’or que nous avions sur le fleuve Amour pensant retrouver mon beau-père. Un nouveau coup m’arrêta à Tchita. Les bolcheviks avaient emprisonné le beau-père et confisqué les mines.

Sait-on dans ton pays ce que les bolcheviks ont fait chez nous ? Regarde-moi. Ne t’arrête pas au charme que je puis avoir sur le visage, va plus profond, vois le voile de malheur qui est en-dessous. Voici mes mains où, jour et nuit, j’ai tant pleuré. Ah ! pauvres Russes de ma Russie !

Avec l’argent on achète tout. J’en avais. Cinq jours après le beau-père sortait de la prison. Je te le dis, j’ai fait ainsi et c’était bien. Je suis sans regret, et cependant !… Le beau-père s’installa