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L’ÂME QUI VIBRE


C’est la faute à la vie, autant qu’à nous, ma mère,
Nos cœurs, à notre insu, sont des étuis de verre
Qui finissent toujours par éclater en nous,
Qu’ils soient pleins de chagrin, d’amour ou de courroux.
Souvent on cherche bien pourquoi son âme est gaie :
C’est qu’une grêle a fait quelques trous dans sa baie,
Et que notre chagrin par eux s’en est allé
Vers d’autres cœurs, s’offrir ainsi qu’un fiancé.
Car, dans notre existence où tout est servitude,
Notre chagrin, lui-même, est plein d’ingratitude.

Enfin, nous voilà donc en route pour l’oubli.
Vous, mieux portante, et moi, tout à fait rétabli.
Nous allons étouffer nos remords sous le sable.
C’est mal, oh ! c’est très mal, mais c’est indispensable.
Nous quittons l’ombre triste et cherchons le soleil,
C’est l’abandon des habits noirs, c’est le réveil
Au bruit d’une fanfare éclatante de cuivre.
Nous marchons vers la vie en espérant la vivre ;
Nous allons démembrer la croix que nous portons ;
Nous nous en servirons en guise de bâtons
Pour abattre les fruits qui pendent à la branche :
Notre soif de bonheur a besoin qu’on l’étanche.