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CHEZ LES FOUS

fâche comme si son ennemi était devant lui. Son ennemi est bien devant lui, mais seul il le voit.

L’air profondément préoccupé, un étonnant magot vient me trouver dans mon coin. Il me fixe une minute, puis se décide :

— Excusez-moi si j’ai la morve au nez, je suis préfet des Côtes-du-Nord. J’ai passé deux fois par la mort, mais je crois encore être vivant. Dois-je ou ne dois-je pas vous choisir comme secrétaire général ? Vous donner le titre, c’est vous conférer une autorité qui, peut-être, dépasse votre intelligence ; me priver de vos services, c’est m’accabler de nouveau sous un travail écrasant.

Il met un doigt contre son front :

— Réfléchissons. Dois-je ou ne dois-je pas, grand chambellan mon père ?



Le fou est individualiste. Chacun agit à sa guise. Il ne s’occupe pas de son voisin. Il fait son geste, il pousse son cri en toute indépendance. Quand plusieurs vous parlent à la fois, l’homme sain est seul à s’apercevoir que tous beuglent en même temps. Eux ne s’en rendent pas compte.