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CHEZ LES FOUS

rêtent et se découvrent. Sous un voile de tulle, une femme, jolie et sans ride, dort à plat dans l’attitude d’une momie. Elle est d’ivoire. Son visage, immobile, respire une féroce méchanceté.

Le monsieur et les garçons sont du même côté du lit et regardent la morte vivante.

Une sœur vient :

— Toujours le même état, ma sœur ?

— Toujours.

Cette femme n’est pas morte et ne dort pas.

— Si tu ne veux pas ouvrir les yeux, dit le mari, donne-moi ta main, tu toucheras les enfants, tu verras comme ils ont grandi…

Dans son sarcophage, la momie ne bouge pas. Le mari rabat le drap, prend la main de cette femme. Cette main est soudée à la hanche. Il fait un effort : il ne peut décoller le bras du long du corps.

— Vous amèneriez un cabestan, monsieur, vous le savez bien, vous n’y arriveriez pas, dit la sœur.

Depuis trois ans, elle est ainsi. Mille jours bientôt qu’elle n’a pas ouvert la bouche, même pour s’alimenter. On la nourrit par le nez, à la sonde. Pas un de ses muscles ne bouge. Quand, chaque matin, on change son lit, il serait inutile de la