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dire qu’en Guyane il n’y a rien, ni hôtel, ni restaurant, ni chemin de fer, ni route. Depuis un demi-siècle, on dit aux enfants terribles : « Si tu continues, tu iras casser des cailloux sur les routes de Guyane », et il n’y a pas de route ; c’est comme ça ! Peut-être fait-on la soupe avec tous ces cailloux qu’on casse ?

Voici le comptoir Galmot. Et ce magasin, un peu plus loin a pour enseigne : l’Espérance. L’intention est bonne et doit toucher le cœur de ces malheureux. Et ce bazar, où les vitres laissent voir que l’on vend des parapluies, des savates et autres objets de luxe, n’est ni plus ni moins que l’œil de Caïn, il s’appelle : La Conscience !

Il y a des hommes en liberté ! J’entends que l’on parle. C’est un monologue, mais un monologue dans un village mort semble une grande conversation. Je me hâte vers la voix et tombe sur le marché couvert. Un seul homme parle, mais une douzaine sont étendus et dorment. Ils doivent avoir perdu le sens de l’odorat, sinon ils coucheraient ailleurs. Pour mon compte, je préférerais passer la nuit à cheval sur le coq de l’église qu’au milieu de poissons crevés. Ces misérables dorment littéralement dans un tonneau d’huile de foie de morue !

L’homme parleur dit et redit :

— Voilà la justice de la République !

Ils sont pieds nus, sans chemise. Ce sont des