Page:Londres - Au bagne.djvu/17

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— … Nous quittions Surinam. C’est au Venezuela que nous voulions aller. Au Venezuela on est sauvé. On nous garde. On peut se refaire une vie par de la conduite.

Il nous fallut neuf heures pour sortir de la rivière. Quand, au matin, nous arrivâmes devant la mer, on vit bien qu’elle était mauvaise — mais elle est toujours mauvaise sur ces côtes de malheur — on entra dedans quand même. On vira à gauche, pour le chemin. Le vent nous prit. La boussole marquait nord-est. C’était bon.

Deux jours après nous devions voir la terre. Le Venezuela ! On ne vit rien. La boussole marquait toujours nord-est. Le lendemain on ne vit rien non plus, mais le soir ! Nous avons eu juste le temps de ramasser les voiles, c’était la tempête.

D’une main nous nous accrochions au canot et de l’autre le vidions de l’eau qui embarquait.

Nous n’avions pas peur. Entre la liberté et le bagne il peut y avoir la mort, il n’y a pas la peur. Ce ne fut pas la plus mauvaise nuit. Le quatrième jour apparut. À mesure qu’il se levait, nous interrogions l’horizon. On ne vit pas encore de terre ! Ni le cinquième jour, ni le sixième.

— Aviez-vous des vivres ?

— Cela n’a pas d’importance. On peut rester une semaine sans manger. Nous avions à boire. La dernière nuit, la septième, ce fut le déluge et le cyclone. Eau dessus et eau dessous. Sans être