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d’immense surprise et d’incrédulité se peignit sur son visage. Puis son corps fut secoué d’un frisson convulsif. À cet instant, sans avertissement préalable, il entrevit la mort pour de bon. Calme, l’œil clair et fixe, comme s’il méditait, il se tourna vers Polly. Il tendit sa main déjà inerte, comme s’il cherchait celle de sa fille et quand il l’eût rencontrée, ses doigts refusèrent de se refermer. Il la regarda avec un long sourire qui, lentement, s’évanouit. Il baissa les paupières et la vie s’effaça de son corps, mais il conservait un masque de quiétude et de repos. L’ukulélé tomba par terre avec un bruit métallique. L’un après l’autre, les visiteurs s’en allèrent, laissant Polly seule dans la pièce.

De la véranda, Frédéric suivait des yeux un homme qui montait l’allée principale. À sa démarche imitant le roulis de la mer, Frédéric devina pour qui venait l’étranger. Son visage était tanné par le soleil et ridé par l’âge, que démentaient la vivacité de ses yeux noirs et la promptitude de ses mouvements. Dans le lobe de ses oreilles pendait un minuscule anneau d’or.

— Bonjour, Monsieur ! dit-il — à son accent, on comprenait que l’anglais n’était pas sa langue maternelle. — Comment va le capitaine Tom ? J’ai appris en ville qu’il était malade.

— Mon frère vient de mourir, répondit Frédéric.