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En cet instant précis se présenta à son esprit la vision, faible et lointaine, des pays ensorceleurs qu’avait visités son frère. Il se rappela une observation amère de Polly : « Vous avez laissé passer l’aventure. Vous l’avez troquée contre des dividendes ». Elle avait raison : néanmoins, elle l’accusait avec trop de sévérité. Il avait souhaité l’aventure, mais, accaparé par le travail, il avait sué sang et eau pour demeurer fidèle à la mission qu’il devait remplir. Hélas ! l’amour et la joie de vivre lui avaient échappé ; et son frère ne vivait que de ses souvenirs.

Et où résidait le mérite de Tom en tout cela ? Il n’était, après tout, qu’un raté, tout juste bon à fredonner des chansons !

Tandis que lui, Frédéric, occupait une situation honorable. Bientôt, il serait nommé gouverneur de Californie. Mais quel ami viendrait, par pure affection, lui mentir pour essayer de lui conserver ses illusions jusqu’au bout ? La pensée de sa richesse lui mettait un goût sec et aride dans la bouche. Sa richesse ! En y réfléchissant, il en concluait que rien ne ressemblait tant à mille dollars qu’un autre millier de dollars et une de ses journées à lui à n’importe quel autre jour. Jamais, il n’avait accompli le rêve caressé par lui en regardant les images de la géographie. Il n’avait pas frappé son homme, ni approché son cigare d’une allumette tendue par