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des machines, lui du gouvernail, et tous deux nous nous partagions les besognes du pont.

« De temps à autre, nous amarrions le bateau au rivage et coupions du bois. Nous étions à l’automne, le courant charriait de la neige fondue et tout annonçait la prise des glaces. Tu comprends, nous nous trouvions au nord du cercle arctique et nous nous dirigions continuellement vers le nord. Il y avait, là-bas, deux cents mineurs qui attendaient de la nourriture pour hiverner et nous leur en apportions.

« Eh bien ! mon vieux, nous les rencontrâmes bientôt sur le fleuve, qui en pirogues, qui en radeaux. Ils s’en allaient… Nous les comptions au passage. Quand nous en eûmes croisé cent-quatre-vingt-quatorze, nous ne jugeâmes plus nécessaire de poursuivre notre chemin. Aussi, faisant demi-tour, nous redescendîmes le courant. Un coup de froid survint et le niveau de l’eau se mit rapidement à baisser. Nous accostâmes sur une barre en amont du fleuve et le Blatterbat fut saisi par les glaces : impossible de le décoller.

« Ce serait un crime de perdre toute cette boustifaille, dis-je, comme nous nous éloignions dans une pirogue ». « Eh bien ! restons dans ce pays et mangeons-la, répondit-il » Et du diable si nous ne l’avons pas fait ! Nous passâmes l’hiver dans cet endroit, chassant et trafiquant avec les Indiens, et à la débâcle du printemps, nous