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pouvait prévoir automatiquement ses actes. Mais, avec Polly, nature aux multiples caprices, impossible de savoir ce qu’elle allait faire l’instant d’après.

— Elle t’intrigue, hein ? ricanait Tom.

Elle était irrésistible. D’elle, il acceptait des manières qu’il n’aurait jamais admises chez sa propre fille. Polly prenait des libertés avec lui, en abusait même jusqu’à le blesser, et lui imposait continuellement sa présence.

■ ■

Un jour, après une de leurs discussions, elle s’assit au piano et exécuta un morceau endiablé qui le remua jusqu’au tréfonds de son être et fit tourbillonner les plus folles idées dans les cellules de son cerveau.

Polly agissait en pleine connaissance de cause, et elle lui fit bien saisir son intention : elle se tourna vers lui pour le regarder, avec, sur les lèvres, un sourire qui était presque une raillerie. Il s’aperçut aussitôt qu’il venait d’être dupe de son imagination. Sur le mur, les portraits austères d’Isaac et d’Éliza semblaient le contempler avec un air de reproche. Furieux, il quitta la pièce. Jamais il n’aurait cru que la musique possédât une telle puissance. À sa honte, il se souvenait de s’être glissé furtivement dehors pour écouter, mais elle le sut et, une fois de plus, le tourmenta.