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manqué la tendresse passionnée d’une femme.

À certains moments, il avait vu Polly dans les bras de son père, et remarqué la chaude affection qui illuminait ses yeux. Si légère que fût cette démonstration, jamais, même dans l’intimité, Mary et lui ne s’y seraient abandonnés. Née d’une union sans amour, sa fille, formaliste et incolore, ne déviait pas de la ligne normale. Frédéric en arrivait à se demander si les sentiments qu’il éprouvait envers elle étaient de l’amour paternel et si lui-même était capable de lui inspirer quelque affection profonde.

La remarque de Polly opéra un grand vide dans le cœur de Frédéric. Il lui sembla que ses mains n’avaient agrippé que des cendres… Puis son regard se porta vers l’autre pièce, et il vit Tom endormi dans le vaste fauteuil, les cheveux prématurément gris, très vieux et très fatigué. Frédéric songea alors au travail accompli par lui-même jusque là, et à toute sa richesse. Eh bien ! que possédait Tom ? Et qu’avait-il fait, sinon gâcher sa vie, dont il ne restait plus qu’une faible étincelle dans son corps mourant ?

Frédéric n’arrivait pas à comprendre l’attraction et la répulsion que Polly exerçait sur lui. Mary avançait sans à-coups sur une voie tracée à l’avance, et on