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La grande automobile attendait à la gare et Frédéric Travers frissonna, comme toujours, en entendant le sifflet de la locomotive qui, au loin, descendait la vallée de la rivière Isaac Travers.

Parmi les pionniers de race blanche, Isaac Travers, débarqué un des premiers dans l’ouest du pays, avait remarqué cette magnifique vallée, son cours d’eau fourmillant de saumons, ses terres fertiles et ses pentes couvertes de forêts vierges, ces « terrains pauvres », comme on les qualifiait à l’époque de demi-civilisation qui suivit l’épuisement des placers. Alors il n’y avait pas de routes charretières, ni de remorqueurs pour faire traverser aux voiliers la barre dangereuse, et son unique moulin à blé tournait sous la protection de gardiens armés jusqu’aux dents, qui avaient pour consigne d’éloigner les Klamaths maraudeurs et pillards.

Tel père, tel fils ! Frédéric Travers employa la même ténacité que son père à faire fructifier le patrimoine familial. Ces deux hommes perspicaces avaient prévu la transformation de toute la région ouest de l’Amérique, l’apparition du chemin de fer et l’édification d’un nouvel empire sur les rives du Pacifique.

Frédéric Travers frissonnait d’orgueil au coup de sifflet de la locomotive parce que ce chemin de fer lui tenait à cœur plus qu’à quiconque. La veille de sa mort,