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piste parfaite. La tête du garde, que je n’ai pas perdue de vue, se retire : il est persuadé que le train va trop vite à présent pour que je puisse le rattraper.

Le fait est qu’il file plus rapidement qu’aucun train que j’ai pris au vol. Quand la dernière voiture arrive à ma hauteur, je pars d’un élan court et rapide, sans chercher à égaler cette vitesse, mais à réduire au minimum la différence qui nous sépare et, par là, la brutalité de l’abordage, quand je bondirai.

Dans les ténèbres, impossible de distinguer la balustrade de fer de la plate-forme et je n’ai pas le temps d’en chercher l’endroit. Je lance les mains où je juge qu’elle peut être et en même temps mes pieds quittent terre, tout cela d’un seul mouvement. Je risque à cet instant de me retrouver sur le ballast, avec les côtes, la tête ou un membre fracassés. Mais mes doigts agrippent l’appui : d’une saccade des bras je fais pivoter mon corps et mes pieds se plaquent violemment sur la marche. Je m’assieds, envahi d’un flot d’orgueil. De toute ma vie de vagabond, c’est là le meilleur saut que j’aie réussi.

Vers les dernières heures de la nuit, on peut brûler plusieurs stations si l’on s’installe