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descendîmes à terre et fîmes cuire un léger souper, et, protégés par l’obscurité, nous dépassâmes la ville et sa police.

J’ai tenu un journal de cette partie du voyage, et en le relisant maintenant je retrouve une expression qui revenait sans cesse sous mon crayon : « Nourriture excellente. » Certes, nous faisions bonne chère ! Nous dédaignions même de préparer notre café avec de l’eau bouillie. Nous employions du lait pur et, si j’ai bonne mémoire, nous avions baptisé ce merveilleux breuvage du nom de « Vienne pâle ».

Tandis que nous courions en avant, écumant le meilleur des produits de ce pays, et que l’intendance était perdue, le gros de l’armée mourait de faim. J’avoue que cet état de choses était pénible pour les camarades, mais, que voulez-vous, nous étions tous les dix des individualistes, pleins d’initiative et de témérité. Nous croyions dur comme fer que la nourriture appartenait aux premiers arrivants et la « Vienne pâle » aux forts. Une fois l’armée se passa de manger pendant quarante-huit heures ; puis elle arriva dans un petit village d’environ trois cents habitants, à Red Rock.