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la position intenable. Au bout d’une demi-heure, je m’étendais sur le comptoir et peu après le Suédois s’allongeait sur sa table.

Et là nous grelottâmes en attendant le jour. Je tremblais au point que mes muscles, épuisés, me causèrent d’horribles douleurs. Le Suédois ne faisait que gémir et grogner. À chaque instant, je l’entendais marmotter en claquant des dents : « Jamais plus, jamais plus ! »

Il répéta ces mots sans arrêt, même lorsqu’il fut gagné enfin par le sommeil.

À la première grisaille de l’aurore nous quittâmes notre lieu de souffrance. Dehors nous nous trouvâmes dans un brouillard dense et glacé. Nous atteignîmes à grand-peine la voie ferrée, trébuchant à chaque pas. Je retournai à Omaha pour mendier mon déjeuner ; mon compagnon continuait jusqu’à Chicago.

L’heure de la séparation avait sonné. Nous nous tendîmes nos mains engourdies. Quand nous essayâmes de parler, nos dents se mirent à claquer et nous fûmes incapables de proférer une parole. Nous étions seuls, séparés du monde : tout ce que nous en voyions était un court ruban de rails dont