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et partageai son « java » et les quelques vivres qu’il tenait sous sa chemise.

C’était mon Suédois !

Vers dix heures du soir nous arrivions à Omaha.

— Laissons donc tomber tous ces gars-là, me dit le Suédois.

— J’allais te le proposer, répondis-je.

Lorsque le convoi entra dans Omaha, le Suédois et moi nous songeâmes à descendre. Suspendus aux échelles de côté, nous étions prêts à nous laisser choir, mais le train ne s’arrêta pas. De longues files de policiers, dont les boutons et les étoiles de cuivre étincelaient sous les becs électriques, s’alignaient de chaque côté de la voie. Nous savions bel et bien ce qui nous attendait si nous tombions dans leurs bras ! Nous ne quittâmes pas nos échelles, et le train traversa le fleuve Missouri dans la direction de Council Bluffs.

Le « général » Kelly[1], avec une armée de deux mille vagabonds, campait dans le parc de Chautauqua, à plusieurs kilomètres de là. Notre bande formait l’arrière-garde.

  1. Vers 1890, l’Amérique traversait une crise économique aiguë. Le chômage et la misère sévissaient partout. Un nommé Kelly, soutenu financièrement par des milliers de citoyens, fit une campagne à travers le pays et enrôla une véritable armée de sans-travail qui défila dans les capitales des principaux États. Un autre « général », appelé Coxey, fit encore plus parler de lui. À Washington, ses troupes causèrent même des troubles assez graves ; un grand nombre de ses soldats furent assommés par la police. Kelly réquisitionnait d’autorité, comme on le verra plus loin, les trains de marchandises pour le transport de ses hommes. Ces manifestations populaires forcèrent le Congrès à voter, en 1892, certaines lois d’utilité publique, entre autres la construction de bonnes routes, ce qui permit d’employer des milliers de travailleurs. – N.d.T.