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le fleuve. Je m’y dirigeai, me perdis dans la nuit, tombai dans deux ou trois fossés, et revins en fin de compte à moitié gelé reprendre ma place au-dessus des chaudières. Une fois dégelé, j’étais plus altéré qu’auparavant. Autour de moi les vagabonds se lamentaient, grognaient, sanglotaient, soupiraient, haletaient, se retournaient et s’agitaient dans leur supplice. Nous étions autant d’âmes damnées ! grillant en enfer, et le mécanicien, Satan incarné, nous laissait l’alternative de brûler ici ou d’aller crever de froid dehors.

Le Suédois s’assit sur son séant et jeta furieusement l’anathème contre la folie de l’aventure qui l’avait amené à vagabonder et à souffrir d’aussi horribles privations.

— Quand je serai de retour à Chicago, fit-il en guise de péroraison, je choisirai un métier et m’y cramponnerai jusqu’à ce qu’il gèle en enfer ! Ensuite… je repartirai sur le trimard !

Ironie du sort ! Le lendemain, une fois la voie déblayée, le Suédois et moi nous quittâmes Evanston dans les wagons-frigorifiques d’un train spécial chargé d’oranges et venant de la Californie ensoleillée. Bien entendu, les glacières étaient vides, en raison du