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de l’eau en abondance, en revanche nous manquions de pain. Une ration était grosse à peu près comme les deux poings, et chaque prisonnier touchait trois rations par jour. Je dois ajouter que l’eau possédait une qualité essentielle : elle était chaude. Le matin nous la baptisions « café » ; à midi elle s’élevait à la dignité de « soupe », et le soir elle se déguisait en « thé ». Mais c’était toujours la même eau. Les convicts l’appelaient « l’eau enchantée ». Le matin, c’était de l’eau noire, et cette couleur provenait de ce qu’on y avait bouilli des croûtes de pain brûlé. À midi on la servait, moins la couleur, plus du sel et un soupçon de graisse. Le soir elle nous arrivait avec une nuance châtain pourpre qui défiait toutes conjectures : c’était du thé absolument infect, mais de la bonne eau chaude.

Quelle bande d’affamés nous étions dans ce pénitencier du comté d’Érié ! Seuls les prisonniers à long terme mangeaient à peu près à leur faim : à notre régime ils n’auraient pas tardé à claquer. Je sais à quoi m’en tenir, car il y en avait toute une rangée au rez-de-chaussée de notre hall, et lorsque j’étais homme de confiance j’avais l’habitude