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LES TEMPS MAUDITS

tère, il souriait facilement. Malgré la maigreur ascétique de son corps, il avait un visage rebondi : rond comme la lune, il rayonnait d’une complaisance et d’une bienveillance peu communes parmi ses compatriotes. Et son extérieur ne mentait pas. Jamais il ne causait d’ennuis à personne, jamais il ne prenait part aux querelles. Il ne jouait pas : son âme ne possédait pas la dureté nécessaire à celle d’un joueur de hasard. Il se contentait de petites choses et de plaisirs simples. Le calme et la fraîcheur du soir après le travail en plein soleil dans les champs de coton lui procuraient une satisfaction infinie. Il pouvait demeurer assis pendant des heures à contempler une fleur solitaire ou méditer sur les mystères et énigmes philosophiques de la vie. Un héron bleu debout sur un minuscule croissant de sable, l’éclair argenté d’une troupe de poissons-volants, un couchant de perle et de rose sur le lagon suffisaient à lui faire oublier la procession monotone des jours et le lourd fouet de Van Hooter.

Van Hooter était une brute, une brute immonde. Mais il gagnait bien son salaire. Il savait faire rendre à ses cinq cents esclaves leur dernier atome de force ; car c’étaient de