Page:London - Les Temps maudits, 1974.djvu/81

Cette page a été validée par deux contributeurs.
LES TEMPS MAUDITS

Ah-Cho ne saisissait pas la subtilité de ces détails. Assis dans la salle du tribunal, il attendait le jugement erroné qui le libérerait avec ses acolytes pour retourner à la plantation travailler selon les termes de leur contrat. Ce jugement ne tarderait guère à être rendu. Les débats touchaient à leur fin. Il le voyait bien. Plus de témoignages ni de bavardages. Manifestement, les diables français, fatigués eux-aussi, attendaient le jugement.

Entre-temps, il se remémorait l’époque de sa vie où, après avoir signé le contrat, il s’était embarqué pour Tahiti. L’existence était pénible dans son village côtier, et il s’était trouvé heureux de s’engager à travailler pendant cinq années dans les mers du Sud au prix de cinquante cents mexicains par jour. Il connaissait dans son village des hommes qui peinaient toute l’année pour dix dollars mexicains et des femmes pour cinq dollars ; et dans les maisons de boutiquiers certaines servantes recevaient quatre dollars pour toute une année de service. Et lui allait toucher cinquante cents par jour : pour un seul jour ! une somme princière !

Qu’importait la durée du travail ? Au bout de cinq ans, il reviendrait — c’était spécifié