Page:London - Les Temps maudits, 1974.djvu/75

Cette page a été validée par deux contributeurs.
LES TEMPS MAUDITS

Depuis longtemps, il connaissait les ambitions de sa mère pour son cadet, mais cette pensée ne lui inspirait plus de rancœur. Il ne se tracassait plus de rien, pas même de cela.

— Je sais, maman, ce que tu projetais pour Will : le laisser à l’école pour en faire un comptable. Mais c’est inutile, je m’en vais. Il faudra qu’il travaille.

— Et après t’avoir élevé comme je l’ai fait ! dit-elle en pleurant, remettant son tablier sur son visage en dépit de ses bonnes résolutions.

— Tu ne m’as jamais élevé, répondit-il avec une bienveillance attristée. Je me suis élevé tout seul, maman, et j’ai élevé Will. Il est plus gras que moi, et plus lourd, et plus grand. Quand j’étais gosse, je crois bien que je n’ai pas eu suffisamment à manger. Peu d’années après la naissance de l’autre, j’étais à l’atelier et j’ai gagné la pâtée pour lui aussi. Mais tout cela est fini. Will peut se mettre à la besogne comme moi, ou aller au diable, je m’en fiche ! Je suis fatigué. Je pars. Ne veux-tu pas me dire adieu ?

Pas de réponse. La tête couverte de son tablier, elle pleurait. Il s’arrêta un instant sur le pas de la porte.