Page:London - Les Temps maudits, 1974.djvu/62

Cette page a été validée par deux contributeurs.
LE RENÉGAT

cette merveille, puis la relégua dans les limbes des choses idéales et inaccessibles.

Un jour, il trouva sur le trottoir une petite pièce d’argent. Cela compta aussi dans sa vie pour un événement, tragique même. Il comprit son devoir à l’instant où il vit briller la pièce, avant même de la ramasser. À la maison, comme d’habitude, il n’y avait pas assez à manger, et il aurait dû l’y rapporter comme il rapportait son salaire le samedi soir. La conduite à tenir ne comportait pas d’équivoque, mais jamais il n’avait pu dépenser son argent lui-même, et une folle envie de sucre candi le faisait languir. Il adorait les bonbons, goûtés seulement dans les grandes occasions de sa vie.

Il n’essaya pas de s’en faire accroire. Sa conscience l’avertissait qu’il commettait un péché, et il se livra à une orgie en achetant pour quinze cents de sucre candi. Il réserva dix cents en vue d’une débauche future, mais, peu accoutumé à porter de l’argent sur lui, il les perdit. Ce déboire, se produisant au moment où le remords bourrelait son âme, lui fit l’effet d’une punition divine, et il crut sentir le voisinage d’un Dieu terrible et coléreux. Dieu l’avait vu et châtié sans tarder,