Page:London - Les Temps maudits, 1974.djvu/60

Cette page a été validée par deux contributeurs.
LE RENÉGAT

à l’amidonnage, puis à l’atelier des métiers. Après quoi, il ne resterait plus d’autre progrès à faire que d’améliorer son rendement.

Les machines fonctionnaient plus vite qu’à son premier embauchage, mais son esprit travaillait plus lentement. Ses nuits d’autrefois étaient pleines de songes : aujourd’hui, il ne rêvait plus du tout. Une fois il s’était senti amoureux, au début de la période où il guidait le tissu sur le rouleau chaud ; plus âgée que lui, presque jeune femme, il l’avait aperçue à distance une demi-douzaine de fois tout au plus. Mais cela n’avait aucune importance. Sur la surface de toile qui lui passait devant les yeux se peignait un avenir magnifique où il accomplissait des prodiges de travail, inventait des machines merveilleuses, devenait le patron de la filature et finissait par la prendre dans ses bras et lui déposer sur le font un chaste baiser.

Mais cette aventure se passait voilà longtemps, bien longtemps, avant qu’il devînt trop vieux et trop fatigué pour aimer. D’ailleurs, elle s’était mariée et était partie et son esprit à lui s’était endormi. Ce fut cependant une idylle prodigieuse, et il se la rappelait souvent, comme d’autres se souviennent du temps où