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LES TEMPS MAUDITS

Je n’ai jamais entendu dire qu’il l’ait fait, parce que personne ne lui en fournit l’occasion, mon père moins que tout autre. Un jour que celui-ci se trouvait sur la grève, Bou-ouf se mit à la poursuite de ma mère. Elle ne pouvait courir vite, ayant reçu la veille un coup de griffe d’ours dans la montagne où elle ramassait des baies. Bou-ouf l’attrapa et l’emporta dans son arbre. Mon père n’osa jamais la reprendre. Il avait peur, et le vieux Bou-ouf lui faisait des grimaces.

« D’ailleurs, mon père ne s’en souciait guère. Bras-de-fer, un des meilleurs pêcheurs, était également un homme fort. Un jour qu’il grimpait sur les rochers pour dénicher des œufs de mouettes, il tomba de la falaise. À la suite de cet accident il perdit toutes ses forces, toussa continuellement, et ses épaules se rapprochèrent.

« Alors mon père prit la femme de Bras-de-fer, et quand le mari vint tousser sous notre arbre, mon père éclata de rire et lui jeta des pierres. Telles étaient nos façons d’alors. Nous ne savions pas devenir forts en unissant nos forces.

— Un frère aurait-il pu enlever la femme de son frère ? demanda Courre-daim.