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LES TEMPS MAUDITS

— Fiche-moi la paix !

Ce cri, commencé en sourdine dans les profondeurs de son sommeil, s’éleva rapidement comme un sanglot, s’enfla d’hostilité passionnée, puis décrut et avorta en gémissement inarticulé : plainte bestiale d’une âme en peine, remplie de protestations et de douleur infinie.

La mère n’y prêta aucune attention. Créature aux yeux tristes, aux traits fatigués, elle était rompue à cette tâche quotidienne. Saisissant les couvertures elle essaya de découvrir l’enfant : il s’y entortilla désespérément et resta enfoui sous le pêle-mêle au pied du lit. Elle s’arc-bouta pour entraîner tout le paquet par terre et y réussit, en vertu de sa force supérieure et malgré la résistance du gosse, qui s’attachait instinctivement aux couvertures pour se garantir des morsures du froid.

Au moment où il dépassa le bord du lit, il semblait sur le point de s’abattre la tête en avant sur le plancher. Mais dans un sursaut de conscience, il se redressa et resta un instant en équilibre dangereusement instable, puis retomba sur ses pieds. Au même moment, sa mère le saisit par les épaules et le secoua.