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LES TEMPS MAUDITS

à aucun titre, se plaindre de la chance. Pourtant nous avions vu son front se plisser et se rider comme sous un souci tenace ou un chagrin rongeur. Nous avions vu son épaisse chevelure noire s’éclaircir et grisonner, comme le tendre gazon grille et se dessèche sous les cieux impitoyables. Pourrions-nous oublier les crises de tristesse auxquelles il se laissait aller au milieu même des spectacles gais que, vers la fin, il recherchait avec une ardeur de plus en plus marquée ? À ces moments-là, tandis que les répliques s’enchaînaient et rebondissaient, brusquement, sans raison apparente, ses yeux perdaient leur éclat et ses sourcils se fronçaient : les poings crispés et le visage convulsé par les spasmes d’une douleur intérieure, on eût dit qu’il luttait contre un danger inconnu, sur le bord d’un précipice.

Jamais il ne faisait allusion à ses tracas et la discrétion nous interdisait de l’interroger. Du reste, l’eussions-nous fait et eût-il consenti à parler, nous n’aurions pu lui venir en aide. Après la mort d’Eben Hale, dont il était le secrétaire privé, et plutôt même son fils d’adoption et son associé en affaires, nous cessâmes de le voir parmi nous. Non pas, je le sais maintenant, que notre société lui