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LES TEMPS MAUDITS

une mauvaise impression, car ce n’était guère qu’un gamin de dix-huit ans tout au plus et d’apparence plutôt chétive. Il déclara s’appeler Felipe Rivera et vouloir travailler pour la Révolution. Ce fut tout : pas un mot de plus, pas d’autre explication. Il attendait là, debout, sans l’ombre d’un sourire, les yeux ternes. Ce grand gaillard de Paulino Vera lui-même, qui pourtant n’avait pas froid aux yeux, ressentit comme un frisson à son aspect. Il se trouvait là en présence d’un être répulsif, insondable ; quelque chose de venimeux, tenant du reptile, se reflétait dans les prunelles noires de ce garçon-là. Elles brûlaient, tel un feu qui couve, comme empreintes d’une amertume concentrée. Il promenait son regard des visages des conspirateurs à la machine à écrire que la petite Mme Sethby faisait cliqueter sous ses doigts agiles. Ses yeux se posèrent sur ceux de la femme au moment où, par hasard, elle levait la tête : empoignée elle aussi par une émotion indéfinissable, elle dut relire sa ligne pour reprendre le fil de la lettre qu’elle était en train d’écrire.

Paulino Vera échangea avec Arrellano et Ramos un regard interrogateur qu’ils se renvoyèrent de l’un à l’autre. L’indécision et le