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UNE TRANCHE DE BIFTECK

personne ne l’avait prévenu, et tout au fond du cœur il sentait qu’il n’eût pas suivi les conseils de ce genre. C’était si simple : de grosses sommes à gagner, des combats rapides et glorieux, coupés par des périodes de repos et de flâneries, toute une suite d’admirateurs empressés, tapes sur le dos, poignées de mains, gens heureux de lui offrir un verre pour avoir le privilège de causer cinq minutes avec lui, et, par-dessus tout, la gloire, les salles en folie, le tourbillon final, l’annonce de l’arbitre : « King est gagnant ! » et son nom dans les journaux du lendemain.

C’était le bon temps ! Mais il comprenait maintenant, à sa façon lente de ruminant, qu’en cette époque-là lui-même avait mis les vieux au rancart. Lui-même représentait alors la jeunesse et l’aurore, eux l’âge et le couchant. Rien d’étonnant qu’il trouvât facile de vaincre ces hommes aux veines enflées, aux jointures abîmées, aux os fatigués par les longues batailles déjà soutenues.

Il évoqua le jour où il avait mis hors de combat Stowsher Bill à Bush-Cutters Bay, à la dix-huitième reprise, et comment le pauvre vieux s’était mis à pleurer comme un gosse dans le vestiaire. Peut-être celui-là