Page:London - Le Vagabond des étoiles.djvu/86

Cette page a été validée par deux contributeurs.
74
LE VAGABOND DES ÉTOILES

Oh ! ces rêves de la camisole, où sans cesse je retrouvais mes belles récoltes alternées, de froment, d’orge ou de trèfle, mûres pour la moisson, tandis que mes chèvres allaient toujours, en broutant, vers l’horizon !

Lorsque je ne dormais point, je m’efforçais, comme me l’avait conseillé jadis Philadelphie Red, d’accrocher mon idée à un homme et à une pensée.

C’était immanquablement vers Cecil Winwood que convergeaient mes idées. Vers le faussaire-poète qui, de gaieté de cœur, avait fait tomber sur moi toute cette calamité et qui, tandis que j’agonisais là, se promenait librement au soleil. Et mon cerveau, dès lors, ne le lâchait plus.

Je ne puis pas dire que je le haïssais. Non. Le mot serait trop faible. Il n’existe pas, dans la langue anglaise, d’expression capable de traduire ce que j’éprouvais pour lui. Ce que je puis dire seulement, c’est qu’un désir fou de vengeance me hantait sans trêve, et me rongeait le cœur d’une extraordinaire souffrance.

Durant des heures, j’échafaudais, à son intention, des plans et des variétés nouvelles de tortures. Celle qui me plaisait davantage était cette vieille farce qui consiste à lier au corps d’un homme, bien appliquée contre lui, une gamelle de fer dans laquelle on a préalablement mis un rat. Le rat n’a d’autre ressource que de se trouer lentement une issue à travers le corps de l’homme.

Vive Dieu ! comme je me délectais de cette pensée ! J’en étais devenu incroyablement amoureux. Jusqu’au jour où je réfléchis que ce supplice était trop aimable et trop rapide. Après de longues réflexions, je jugeai préférable de pratiquer sur Cecil Winwood une autre bonne farce, bien supérieure, et que les Maures ont, parait-il, inventée…

Mais en voilà assez sur ce chapitre, et je me suis promis de n’en pas dire davantage sur les vengeances que je mijotais envers le gredin, dans l’affolement de mes souffrances.